Nature Humaine de Serge Joncour

Nature Humaine de Serge Joncour est un livre paru chez Flammarion en 2020 pour la rentrée littéraire. Si tu me suis sur ce blog, tu sais à quel point j’aime cet auteur. J’ai déjà lu Chien Loup (ici), Repose-toi sur moi (ici), L’écrivain national (ici), l’amour sans le faire (ici). C’est un de mes plus gros coups de coeur de l’année !

Le résumé par l’éditeur :

La France est noyée sous une tempête diluvienne qui lui donne des airs, en ce dernier jour de 1999, de fin du monde. Alexandre, reclus dans sa ferme du Lot où il a grandi avec ses trois sœurs, semble redouter davantage l’arrivée des gendarmes. Seul dans la nuit noire, il va revivre la fin d’un autre monde, les derniers jours de cette vie paysanne et en retrait qui lui paraissait immuable enfant. Entre l’homme et la nature, la relation n’a cessé de se tendre. À qui la faute ?
Dans ce grand roman de « la nature humaine », Serge Joncour orchestre presque trente ans d’histoire nationale où se répondent jusqu’au vertige les progrès, les luttes, la vie politique et les catastrophes successives qui ont jalonné la fin du XXe siècle, percutant de plein fouet une famille française. En offrant à notre monde contemporain la radiographie complexe de son enfance, il nous instruit magnifiquement sur notre humanité en péril. À moins que la nature ne vienne reprendre certains de ses droits…

Mon avis :

L’auteur nous raconte 30 ans d’histoire contemporaine vu par Alexandre Fabrier, paysan du Lot, né au début des années 60. Il dissèque les différents événements qui ont conduit notre société là où nous en sommes : évolution capitalistique du monde paysan, mondialisation des échanges, urbanisation galopante, création d’infrastructures qui bouleversent la vie de ceux qui vivent sur leur tracé, développement de la grande distribution et asservissement des éleveurs aux prix et aux méthodes qu’elle impose, construction des centrales nucléaires et montée des mouvements qui les combattent…

Les chapitres s’articulent autour des grands événements qui ont marqué la période 1976-1999 : la sècheresse de 1976, l’élection de Mitterand en 1981, la catastrophe de Tchernobyl en 1986, la création de l’autoroute A20, le “taquet” de l’an 2000….

Le roman s’attache à décrire le quotidien de la famille Fabrier et la façon dont la transmission de la ferme s’impose au fils, alors que les filles la quittent pour la ville. Le système de donation-partage, qui permet à ses soeurs d’avoir leur part par anticipation, conduit Alexandre à s’endetter et à travailler selon des méthodes qui lui déplaisent profondément.

Mais c’est surtout un formidable hymne à la nature. Si tu as lu ses autres livres, tu sais que Serge Joncour est un grand amoureux du Lot et du monde paysan. Il y a de magnifiques descriptions des paysages de la vallée où se trouve la ferme d’Alexandre, aux Bertranges. Des paysages qu’on aimerait découvrir… Une belle galerie de personnages aussi parmi lesquels le père Crayssac, un vieux coco qui est de toutes les luttes, et qui influencera fortement Alexandre.

Ce roman est à la fois un roman historique, une chronique sociale du monde paysan en pleine transformation, une saga familiale, un roman d’amour (celle d’Alexandre et Constanze qui se poursuivra sur une vingtaine d’années). En prime, si tu es comme moi, né dans les années 60, tu y trouveras tout ce qui a marqué ta jeunesse !

Bref, immense coup de coeur pour ce beau roman ! Nature Humaine est sans doute le roman le plus réussi, le plus abouti de Serge Joncour.

Ma note : 5/5

Extraits :

Cette compassion pour le Larzac, c’était bien le signe que tous les citadins n’avaient pas renié leurs origines, qu’ils garderaient la nature chevillée au coeur, il y avait sans nul doute chez les Français un profond respect pour le monde paysan, ou peut-être une nostalgie enfouie de la campagne.

Par chance, être agriculteur c’était travailler sans cesse, c’était embrasser le vivant comme l’inerte, ça suppose d’être à la fois éleveur, soigneur, comptable, agent administratif, vétérinaire, maçon, mécanicien, géologue, diététicien, zoologiste, chimiste, paysagiste et tout tas de choses encore….

…ça voulait dire que cette terre pourrait crever, que depuis toujours ils la tuaient, lui et des générations d’aïeux avant lui, ils l’avaient tuée à force de la lessiver, d’enlever des résidus de paille et de faire place nette entre deux récoltes. Pour que ces sols se remettent à assimiler l’eau et l’air, il faudrait donner à manger aux vers de terre, balancer des résidus de matières organiques pour que les lombrics reviennent, faute de quoi il faudrait ajouter toujours plus d’engrais, tenir à bout de bras toutes les récoltes à venir…

A moins d’élever un cochon avec du cassis, un jambon c’est pas rose. Et puis, pour pouvoir rester des semaines comme ça dans du plastique, il doit être gavé de nitrates, de colorants et d’arômes….

….toutes ces zones périphériques devenaient d’interminables successions d’hypermarchés, de magasins de sport ou de bricolage, de jardineries et de grandes surfaces d’ameublement, et pour réguler la circulation née de tous ces parkings et de ces nouvelles routes on construisait un rond-point tous les cinq cents mètres…

Tu sais, cette prairie-là, si tu reviens dans deux mois, elle sera envahie par le parfum de la menthe fraîche, elle sera couverte de millions de petites fleurs de menthe sauvage… l’été tout le coteau est recouvert de millions de fleurs bleues, quand tu marches dedans c’est comme flotter dans un océan de menthe fraîche….

Et LA coquille du livre… une faute d’orthographe page 152 : Elle était d’autant plus agacée que depuis deux jours elle n’avait pas VUE Constanze….

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